Par Yann Colin, Président de la Coalition Rétrofit H2 et Directeur des Mobilités vertes du groupe BERT
La mobilité a depuis toujours transformé nos modes de vie, propulsé nos économies et façonné nos territoires. Aujourd’hui, elle se trouve confrontée à une réalité brutale : pour poursuivre ces évolutions tout en respectant les limites environnementales et climatiques, il est urgent de changer de cap. Les transports, qui représentent près d’un tiers des émissions de CO² en France, pèsent lourdement sur les engagements climatiques nationaux et européens. La transformation vers une mobilité décarbonée n’est plus un choix, mais une obligation.
Un besoin impératif d’agir, ensemble, pour la décarbonation des transports
Les objectifs sont clairs : l’Europe vise la neutralité carbone d’ici 2050, et plusieurs gouvernements, dont celui de la France, ont réaffirmé leurs engagements en faveur de la décarbonation des transports. Mais les défis à relever restent nombreux, et les solutions conventionnelles, bien que nécessaires pour assurer la transition, révèlent leurs limites. Nous sommes au début de l’histoire de la décarbonation : la technologie BEV n’est réellement commercialisée que depuis 3 ans avec des volumes bas et les infrastructures de recharge électrique sont loin d’être généralisées pour la mobilité lourde. Le développement d’une flotte de véhicules neufs bas-carbone reste coûteux, en quête de maturité et dépend en grande partie des capacités des chargeurs à investir sur ces solutions bas-carbone.
En parallèle, des millions de véhicules thermiques circulent encore, dégageant quotidiennement du CO², des NOX et particules fines, contribuant au réchauffement climatique et à la pollution de nos territoires. Il est impératif d’envisager la décarbonation des parcs poids-lourds à travers différents prismes aussi importants les uns que les autres :
- Le prisme environnemental : nécessité impérieuse de réduire notre consommation d’énergies fossiles, de réduite les émissions de CO² et de polluants,
- Le prisme industriel : opportunité de développement technologique voir même d’une révolution industrielle,
- Le prisme organisationnel : revoir les plans de transport en profondeur pour gagner en efficacité, en efficience et en optimisation,
- Le prisme social : réindustrialisation de nos territoires, création d’emplois,
- Le prisme énergétique : avec la mise en œuvre du mix énergétique pour essayer d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO² fixés par l’EU,
- Le prisme sociétal : notre devoir vis-à-vis des futures générations, à commencer par celle de nos enfants.
Des initiatives en faveur de la mobilité décarbonée sont déjà en place : l’électrification progressive des flottes de transport urbain, le développement de biocarburants de nouvelle génération, et les solutions hydrogène commencent à démontrer leur efficacité dans des applications ciblées. Cependant, pour rendre ces changements accessibles à plus grande échelle, il faut explorer des moyens rapides et pragmatiques.
Le rétrofit représente une approche réaliste, adaptant les véhicules thermiques pour qu’ils répondent aux critères d’une mobilité bas-carbone sans nécessité de construction neuve. Cette transformation évite de prolonger la dépendance aux énergies fossiles, tout en offrant une alternative au renouvellement intégral du parc de véhicules, longue et coûteuse.
Plusieurs technologies de rétrofit sont désormais disponibles, répondant à des besoins spécifiques. Le rétrofit électrique, par exemple, est aujourd’hui déployé principalement pour les flottes urbaines (bus, utilitaires de courte distance) et présente des avantages considérables en matière de pollution de l’air et de confort pour les utilisateurs.
Dans d’autres cas, les biocarburants peuvent constituer une option de transition, et réduisent les émissions tout en prolongeant l’utilisation des moteurs à combustion. Mais la solution qui émerge comme une alternative structurante, notamment pour les véhicules lourds et de longue distance, est le rétrofit hydrogène.
Le rétrofit hydrogène : une solution immédiate et opérationnelle pertinente
Le rétrofit hydrogène consiste à remplacer ou adapter le système de combustion des véhicules thermiques pour qu’ils fonctionnent à l’hydrogène, en utilisant soit des piles à combustible, soit des moteurs thermiques adaptés. Cette approche se distingue par sa capacité à offrir une autonomie importante et des temps de ravitaillement rapides, comparables à ceux des véhicules thermiques classiques, mais avec des émissions nulles de CO² à l’échappement.
Le rétrofit hydrogène est particulièrement adapté aux véhicules lourds (camions, bus, flottes industrielles) qui nécessitent une grande autonomie et un ravitaillement fréquent. À cet égard, la Coalition Rétrofit H2 a déjà soutenu plusieurs projets concrets, démontrant ainsi la faisabilité de cette technologie. HYLIKO, par exemple, a homologué et immatriculé 3 véhicules lourds hydrogène (pile à combustible) à l’été 2024 et travaille actuellement à la conversion de flottes de poids lourds vers des modèles à hydrogène, tandis que GCK explore cette même solution pour des flottes de transports longue distance. VENSYS et d’autres acteurs de notre coalition ont également développé des solutions adaptées à différents usages, avec des résultats concrets et mesurables.
Les sociétés EHM et HR² travaillent en parallèle sur la conversion de moteur thermique à l’hydrogène ; des prototypes et préséries sont en cours de développement.
Ces initiatives permettent d’illustrer que le rétrofit hydrogène est aujourd’hui opérationnel et appliqué dans des environnements exigeants. Ce n’est pas un projet hypothétique ou à long terme : il est là, aujourd’hui, prêt à être déployé à plus grande échelle.
Le rétrofit hydrogène : une réponse tangible, finançable, propre et rentable
Face à la complexité des défis, une solution unique ne saurait répondre à tous les enjeux. Mais le rétrofit hydrogène offre des avantages clairs : en s’appuyant sur des infrastructures hydrogène qui se développent en France et en Europe, il propose une alternative finançable pour les entreprises et collectivités souhaitant réduire rapidement leur empreinte carbone.
La Coalition Rétrofit H2 s’engage pour que cette solution soit accessible et valorisée au sein de l’ensemble de l’écosystème de la mobilité, et ce, en mettant en avant l’usage. En renforçant nos efforts et en soutenant des projets concrets, nous contribuons à la transformation d’une filière de transport encore dépendante du fossile vers une mobilité plus propre et durable.
L’avenir de la mobilité décarbonée dépendra de notre capacité à mobiliser des solutions diverses, adaptées et immédiatement applicables. Le rétrofit hydrogène en fait partie, et son potentiel est aujourd’hui une réalité tangible, capable de relever les défis de la transition. En nous engageant collectivement et avec détermination, nous pouvons accélérer cette transformation indispensable pour un avenir durable.
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Propos recueillis par la Coalition Rétrofit H2
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